lundi 5 décembre 2011

Vodou Haïtien à Montréal


Coup d’œil furtif dans la pièce. Tout le monde est déjà installé. Deux rangées de chaises remplies par des yeux qui semblent aussi intrigués que moi par ma présence. Un autel de prière sur ma gauche. Trois musiciens sur ma droite et un espace dégagé au milieu de la petite pièce.
Derrière moi sont disposés deux chaises. Le maître de la maison nous fait signe de prendre place. J’ai tout sauf envie de m’asseoir en face de ces gens qui me dévisagent.
OUF ! Changement de programme de dernières minutes, nous sommes autorisés à rejoindre le banc des spectateurs. Je me retrouve assise à l’entrée du couloir qui donne accès aux toilettes. Ma vue sur la place centrale est réduite mais qu’importe je me sens déjà plus à mon aise ici.
La cérémonie n’attendait que nous pour commencer. Ce soir, tous les esprits vont être appelés mais les Guédés sont à l’honneur. La couleur dominante sera donc le violet. Et pour cette occasion, toutes les femmes ont revêtis leurs plus belles toilettes. Rapide tour d’horizon de ma garde robe de voyageuse. Aucun regret, rien n’aurait pu répondre à la commande.
Les chants Vodou débutent au rythme des tambours.
Tour à tour une mambo est possédée. Elle est reconnaissable par le foulard colorée qu’elle porte sur ses épaules.
Le même rituel est opéré à chaque fois.
Une salutation devant l’autel. Une bougie allumée. Une série de pas de danse. Une offrande de rhum ou de vodka versé par terre pour l’esprit invoqué.
Tout le monde est invité à se lever de sa chaise pour l’accueillir.
La maîtresse des lieux, mambo, elle aussi, guide le déroulement de la cérémonie. Elle transmet le asson, oriente et protège invités et initiés.
Chaque invocation est différente. Chaque esprit a un caractère plus ou moins sage, joueur, colérique, séducteur, violent, manipulateur, taquin, coquin ou sensible; bref, tu l’auras compris, une personnalité qui lui est propre.
La tension monte selon l’appelé. Les regards changent, s’apaisent ou se figent.
Parfois l’esprit se dédouble et s’incarne dans deux, trois, ou quatre personnes. Soudain, comme une piqûre de moustique, l’initié se lève de sa chaise, voir même roule ou tombe sur le sol.
L’esprit ne se manifeste pas de la même façon selon le corps possédé.
Pendant que l’un semble vivre pleinement sa transe, l’autre fronce des sourcils et peine à accepter sa possession.
Mal de tête, fatigue, vertige, le réveil est parfois difficile.
Je m’amuse à observer des liens entre la personnalité de l’initié et la manifestation de l’esprit.
Les mambos plus douces, au premier abord sympathiques et joviales, me paraissent vivre harmonieusement l’incarnation de l’esprit, comme une symbiose, elle le laisse saluer les invités à sa guise, jouer des tours et danser avec qui bon lui plaît.
D’ailleurs je suis agréablement surprise d’être sollicitée à trois reprises par trois esprits différents. La premières s’appelle Erzuli Freda. Elle viendra me saluer avec élégance d’auriculaire à auriculaire, à la E.T version haïtienne. Le second est Saint Jacques. Malgré ses grands airs sérieux il a semblé m’apprécier. C’est un esprit bourru au cœur tendre. Le troisième sera un Guédé qui m’invitera à danser le grouyade.

L'atmosphère est conviviale. Les rires se partagent et les corps sont communicatifs. Chaque invité semble se plaire. Et la cérémonie prend des allures de fêtes. On en oublierait presque que chaque action a son sens, un ordre et une suite logique. Tout est calculé. La musique établit le rapport des initiés avec les esprits. L'action de la prêtresse est facilitée sur un groupe transporté dans un état de réceptivité. Ainsi le collectif semble plus important qu'il n'y paraît. Des jeux de pouvoirs sont en place. Mais la maîtresse de cérémonie reste attentive au bien-être de tous.

Je me demande si un accident c'est déjà produit.
Ce ne sera pas pour ce soir. La cérémonie est clôturé par l'appel des Guédés, des esprits farfelus qui aiment boire, fumer, le sexe et dévergonder ses hôtes...


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